Une poignée de jours s’enfoncent sous le givre. Sarah sort peu.

Du reste, vu de l’extérieur, l’immeuble ronronne en sous-tension dans un quartier bien vide. Les alentours le sont tout autant : la matière déprimée, privée de forces physiques, de vecteur ; flottant sous la surface immobile des vapeurs laiteuses. Un village sans couleur dans la période creuse de l’hiver. Les météos annoncent la neige pour les prochaines semaines.

Les rues ont été désertées. Pas un véhicule. On ne sort pas plus les chevaux. Les vélos dorment au fond des garages. On craint le verglas et le tableau statique du rivage.

Les réseaux eux-mêmes conservent le silence sur de longues périodes, perdent parfois les missives qu’on leur confie. Les données se dissolvent dans les coupures de courant régulières.

Janvier dure quinze semaines, peut-être un an, piège sans doute les provinces dans une nouvelle couche géologique. Sarah travaille peu, faute d’accès et de moyens. Deux, trois messages d’Hygin arrivent soucieux et incomplets. Sarah tente de le rassurer mais ignorera jusqu’au prochain appel s’il aura seulement reçu sa réponse. Aucune nouvelle de Vladislav.

Ici, les éléments se figent. On oublie bientôt la proximité de la côte. Au moins Sarah ne recroise-t-elle pas ses voisins. Intouchable aux yeux des locaux ou l’image grimaçante des perversions citadines. Sarah ne s’est pourtant jamais offerte à l’orgueil, du moins le pense-t-elle ; du moins semble prétendre son entourage ou les flatteurs ; ni à l’orgueil, ni aux excès que lui accorde la célébrité : modeste sans être effacée, puissante sans être offensive, Sarah puisant dans ses ressources et ses plus jeunes années provinciales […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !