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La mélancolie du vieux transpire sur la synthétique lorsqu’elle accueille Borvo au seuil de la maison familiale trois-quatre jours plus tard, de retour en région. Tout le monde a connu de jours meilleurs ici — Pensez à renouveler votre moyen de paiement, glisse-t-elle en lui prenant le bras — Je sais, je le ferai — Vous le ferez ? — Ma persona le fera. Le visage de la machine étire un sourire compréhensif et, Borvo pourrait le jurer en se détournant d’elle, requêter les APIs civiles par le Sub publique, exiger une empreinte numérique avec l’infinie violence que permettent les algos. La synthétique mime le retrait pour exercer ce qu’elle fait de mieux : hanter la maison au prix de deux SMIC horaires. L’été ne pénètre qu’avec difficulté la maison : tout se fige dans un hésitant mois de mars, un presque novembre.

Le vieux ne quitte presque plus la petite cuisine carré où il fait pourtant si froid. — Peux-tu allumer le poêle, demande-t-il sans que nous sachions à qui il s’adresse. Borvo doit rentrer le ventre pour dépasser le défilé entre le rond de la table et les vieux placards montés de travers.

Dehors, même musique : les arbres malades, les bras figés autrefois dans l’hiver, n’ont pas été abattus aux beaux jours malgré les conquêtes fongiques couleur fauve le long des troncs. Les saisons importent peu, nous ne pouvons plus reconnaître la Nature dont les composés non-mutants doivent être artificiels, et le vieux ne s’en préoccupe plus depuis des lustres, lui préférant des grilles de mots fléchés récoltés au dos des journaux, la propreté de la toile ciré couvrant sa surface de table ou les ragots rapportés par les voisins qui lui arrachent des sourires sortis de sa jeunesse : alors, ça pousse, questionne le vieux — Ça va, répond le fils tandis qu’il ravive le foyer, y’a toujours de la demande. — Ils se plaignent, ils se plaignent, mais on s’en sort pas si mal en pointant du doigt la page intérieure d’une gazette locale : c’est bien qu’ils confinent systématiquement les usines — Ils le font pas — Si […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !