“Moins vite !” Elle courait pieds nus dans la neige ensanglantée. Il ne l’écoutait pas ; elle se dégagea de sa poigne, tomba à genoux, cherchant dans ses poches — pas de poches — et s’étonna de ce débardeur lapin couleur sang qui la recouvrait ; où était ses doses de poussière d’étoiles ? Elle voulut enfouir son visage au creux de ses mains, mais elle ne put s’y résoudre, les paumes de ses mains étaient pleines de sang — le sang de Zacharie. “Lève-toi !” Le mystique la releva de force, la tirant à bout de bras pour la remettre en marche. Dire qu’une demi-journée auparavant, elle s’apprêtait à passer une dernière nuit avec son amant, et que maintenant ce dernier était mort, tué par un loup-garou, et qu’elle-même avait tué l’un des leurs — qui déjà ? Athanase ? Orion ? Ovide ? Rhadamanthe ? Non, elle fuyait depuis plusieurs heures derrière ce diable de mystique ; où l’emmenait-elle dans ce tourbillon de neige ? La délivrait-il des enfers ou l’y conduisait-il ? Elle n’osait regarder en arrière — ne jamais s’apitoyer sur son passé lui répétait son amant (lequel ?) — , de peur de voir un loup-garou à leurs trousses. Pourquoi courait-elle ainsi ? Elle suivait Rhadamanthe sans réfléchir, de gré ou de force elle ne le savait plus… Elle se souvenait qu’ils l’avaient emprisonnés, l’accusant du meurtre de son amant — elle s’était lavée les mains plusieurs fois mais le sang n’était pas parti. Rhadamanthe l’avait comprise. Vraiment ? Ou courait-il pour d’autres raisons ? Qu’avait-il à cacher ? À fuir ? Que savait-elle de lui ? Pourquoi se revoyait-elle le tuer ? Voulait-elle fuir avec lui ? Ne serait-elle pas mieux seule, enfin ? Perdue dans ses pensées, la rebelle trébucha, échappa à l’emprise de Rhadamanthe et s’étala sur un matelas de pierres — ils s’étaient éloignés de la canopée pour traverser le lit largement asséché d’une rivière rocailleuse. Son guide parcourut encore dix bons mètres avant de s’apercevoir qu’il l’avait laissée en arrière. Alexia se releva, du sang, encore, sur le front ; elle se pencha vers le maigre filet d’eau pour nettoyer la coupure. “Dépêche-toi !” Tout autour d’elle, de doux flocons de neige bleue dérivaient lentement. “On a le temps. […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !