Être amoureux c’était un peu comme, disons, être mordu par un loup-garou. Votre corps vous démangeait, à l’étroit, votre flux sanguin s’accélérait, enfermé sous un épiderme de moins en moins opaque, un solstice éternel s’embrasait en vous, un sentiment de force, de puissance, de certitude, d’invulnérabilité prenait vie et forme à l’intérieur de votre enveloppe charnelle, un second moi détenteur d’un nouveau secret, vous étiez transformé, transfiguré, votre vraie nature enfin révélée, un loup conquérant, triomphant, qui n’attendait que de se refléter dans les yeux de sa louve. Les nuits devenaient vos jours, les jours devenaient interminables. La farce diurne du réel se délitait à l’arrivée de la nuit, de la nuit où les masques tombaient, où les vrais visages apparaissaient, une nuit pleine d’énergie renouvelée, pleine de cris, de gémissements, de brûlures, de griffures, de morsures, de corps suintants, une nuit non animale mais surhumaine, une nuit qui paraissait durer jusqu’à l’effondrement du temps. Une nuit d’invincibilité — jusqu’à ce quelqu’un vous tire une balle en argent en plein cœur, souvent la louve elle-même. Écho avait tiré cette balle. Depuis, le narrateur n’était plus qu’un loup-garou privé de transformation. Pouvait-on guérir de la blessure causée par une telle balle ? Il était aisé, en surface, de jouer la comédie, de faire de l’échec de leur relation un motif narratif ; au fond de lui, l’histoire virait à la tragédie antique. Pallas lui avait dit de tourner la page, mais Hæmon était convaincu qu’aucune autre femme ne pourrait être à la hauteur, ni même à la moitié, ni au quart, de sa muse. Un loup-garou sans muse — quel triste personnage il ferait. Sans Écho, il n’était […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !