L’ordre était né du chaos. Pan Gu n’avait jamais été la divinité préférée du métis ; il était moins compatissant que Guanyin, moins imposant que Tengri, et surtout il était mort. Certes, sa mort avait engendré le monde. On racontait que Pan Gu lui-même était né d’un œuf primordial, union du yin et du yang, puis qu’il avait maintenu à distance la terre et le ciel, tous deux encore en formation, pendant dix-huit millénaires ; sa tâche achevée, Pan Gu avait décidé de mourir, s’allongeant sur la terre qu’il l’avait protégée pendant tant de temps ; son cadavre était alors devenu le monde : ses yeux devinrent le soleil et la lune, ses cheveux et ses moustaches les étoiles, sa voix le grondement du tonnerre, son souffle le vent et les nuages, sa transpiration la pluie et la rosée ; son corps se mua en rochers, en plantes, en arbres, en collines et en rivières. De quelle partie du corps de Pan Gu étaient issus les hommes, avait demandé Cassien. D’aucune, avait répondu sa mère, les hommes sont des parasites — avec le temps, il avait compris que cela ne faisait pas partie du conte originel. Le garçon avait gardé avec lui l’image de ce dieu d’avant les dieux, ce dieu qui avait présidé à la création de l’univers et l’avait peuplé — un dieu dont le cadavre avait ordonné le monde. Pan Gu l’avait toujours aidé, mieux que n’importe quel autre dieu — et que n’importe quel médicament de contrebande — pour calmer son asthme : si Pan Gu avait tenu dix-huit millénaires, lui, Cassien, pouvait bien tenir soixante secondes avant de retrouver son souffle — un souffle, il l’appris bien après la mort de sa mère, pétrifié par les métaux lourds qui avaient empoisonné son peuple. Il releva la tête : quel ordre naîtrait de la mort du vétéran, de celui qui se tenait entre leur monde encore adolescent et celui des adultes ? Quel ordre jaillirait de sa gorge béante et des rigoles de sang qui avaient coulé sur la tonnelle  ? Comme pour se moquer d’eux, le corps de Saturne avait été placé de sorte que son sang […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !