“Au fait, c’est quoi le plan ?” // “Tu demanderas à Pallas.” // “Ah, ah. Je sais que tu sais. Dis-moi. Tu me fais confiance, non ?” Eleuthère ignora la question, imposant un silence impoli ; ce type n’était pas un grand bavard : sans imagination, carré et austère, une armoire à glace dans laquelle Hæmon et Pallas jaugeaient la perfection de leur teint olivâtre et la coupe méthodique de leurs cheveux lissés. Rhadamanthe se méfiait du chien de garde du fier meneur et du beau parleur, comme il se méfiait de ceux qui en pensaient plus qu’ils n’en disaient ; de son point de vue, tout le monde avait quelque chose à cacher. Les premiers temps, il avait classé Eleuthère dans la catégorie des brutes épaisses, une sous-caste des guerriers auto-proclamés comme Orion ou Athanase, mais dénué de cet héroïsme béat (et volontiers stupide) qui caractérisait cette endive de Zacharie, puis, un soir, l’observateur avait montré un autre visage, une autre voix, il avait sorti de son casier un sorte de luth, avec un long manche étroit et une caisse piriforme (Rhadamanthe n’avait jamais rien vu de tel, il s’était demandé où Eleuthère avait bien pu se le procurer, la musique était l’apanage désuet des nobles, non des militaires), et il en avait joué avec une délicatesse inattendue, la fluidité de la mélodie faisant oublier la voix râpeuse du jeune homme ; le mystique avait alors changé son camarade de catégorie pour le ranger dans les erreurs d’aiguillage : Eleuthère n’avait rien à faire parmi eux, ses mains n’étaient pas celles d’un tueur. Le perroquet amorça un virage, longeant la côte de la péninsule ; le regard de Rhadamanthe accrocha, au milieu des terres désolées, la silhouette immobile et menaçante d’une ancienne centrale thermique hors service. Lui, à l’inverse, ne s’était pas trompé de voie : le fin barbu se considérait comme un radio-opérateur de génie, sans conteste l’un des meilleurs de l’académie, même s’il n’était pas reconnu à sa juste valeur par ses instructeurs et ses condisciples. Ainsi allait […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !