La soute du perroquet empestait de la sueur âcre des passagers — sept hommes d’un côté, neuf femmes de l’autre. Ils volaient depuis au moins deux bonnes heures et cette impatience juvénile, accentuée par le confinement, gonflait en eux de façon charnelle, venant à bout de leurs inhibitions. Athanase adorait ça : la promiscuité sauvage et asexuée, le collectif braillard et agité, les odeurs de chair et de sang — les prémices illusoires d’un combat dantesque. Du haut de sa toison rousse foisonnante, le mortel humain s’imaginait déjà en héros immortel et solaire ; il avait hâte d’en découdre, de faire tomber des têtes, de faire bouffer leurs merdes à ces fils de pute de la république (selon l’expression consacrée à l’académie). Il était las des entraînements, des simulations, des manœuvres, des discours ; l’exaltation des premières années avait cédé le pas depuis longtemps à une insatisfaction latente. Faire semblant de se battre, c’était comme éjaculer avant de jouir, c’était un truc de puceaux, de première année. Les promesses gaillardes des aventures à venir avaient cependant un côté nostalgique ; cela lui coûterait de dire adieu à ceux qui avaient formé son collectif et modelé son imaginaire guerrier. Leurs noms résonnaient dans sa tête comme ceux de divinités antiques : Orion, Valentine, Orphée, Callisto, Zacharie. Zacharie. Son frère de sang. Ils attendaient leur affectation respective, espérant que l’appui de leurs instructeurs suffirait à les envoyer dans la même compagnie, mais les décisionnaires étaient des bureaucrates indécis et trop éloignés de la réalité — après tout, c’était cette bureaucratie rampante et totalitaire la grande responsable du lent effondrement des états nations fondées par leurs ancêtres. “On verra. Le champ de bataille n’est pas si vaste” avait répondu son ami face à ses inquiétudes. Zacharie avait raison : se réjouir du passé avant de célébrer le futur. “Hé, les mecs [pour Athanase, le vocable mecs s’adressait aussi bien aux hommes qu’aux femmes], c’est quoi votre meilleur souvenir de ces trois dernières années ?” Inutile de remonter au-delà, quand leurs chemins divergeaient encore. Zacharie : “La branlée que je t’ai mise la semaine dernière ? [Rires diffus] Non, mmm, plutôt la première fois qu’on a été largué sur le terrain, en forêt, la première fois qu’on a vraiment été dans la merde.” Orphée : “Ouais. Pareil. Devoir chasser et tuer pour survivre.” Valentine : “L’examen d’infiltration. Désolée d’être […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !