La guerre les avait devancés. Zacharie n’était pas le premier cadavre auquel ils étaient confrontés, mais la vision du corps de celui qu’ils considéraient tous tacitement comme le plus combatif d’entre eux les avaient renvoyés à leurs illusions, à leurs fantasmes, à leurs caricatures de la guerre ; les masques de l‘adolescence étaient tombés et ne se relèveraient plus. Callisto gardait les yeux fermés, chassant la montée des larmes et les fractures du réel, concentrée sur d’infimes battements de cœur qu’elle savait ne pas être les siens. Même aveugle, elle pouvait nommer les fantômes qui l’entouraient : la nuit, la moiteur, l’abandon, l’isolement, la mort. Pallas leur avait promis des derniers jours inoubliables — on ne pouvait lui reprocher de leur avoir menti — , sa voix claire tentait vainement à présent de leur promettre qu’ils ne sombreraient pas tous dans l’oubli ; comme pour le contredire, la voix de son éminence noire, essoufflée et vacillante (Hæmon était-il blessé ?), avait surgi dans le salon pour leur apprendre la mort de Damon : le diplomate avait eu la gorge tranchée, lui aussi. La voix claire s’était éteinte, accusant le coup, avant de reprendre le dessus. Pallas avait alors arbitré les spéculations des uns et des autres (Zacharie n’était plus là pour le contredire). Le grave du timbre d’Orion, la rocaille d’Athanase dominèrent un temps les débats, avant de s’estomper devant leur impuissance face à cet événement inconcevable ; la voix flûtée d’Ovide tenta de trier les théories possibles entre les phrases inachevées de Silas et les injonctions sèches de Kyra ; d’autres ne parlaient pas, mais Callisto percevait leur présence à tous, différenciait les reniflements de Cassien des sanglots de Thècle. L’ombre d’un ennemi de l’extérieur revenait régulièrement — mais le maître de cérémonie avait esquivé cette idée d’un rire trop franc. Qui serait cet ennemi ? Des agents de la république ? Personne, ou presque, ne savait qu’ils étaient ici — Hæmon avait suffisamment insisté, et s’était suffisamment enorgueilli, qu’il n’avait pas été simple d’organiser cette expédition secrète. On suggéra la possibilité d’un groupe de belligérants locaux considérant leur intrusion d’un sale œil ; mais, à en croire le scorpion, il n’y avait pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Évidemment, en dernier ressort, les gens accusèrent les loups — sombre retour […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !