Alexia arma son pistolet. En débardeur lapin et culotte assortie, la rebelle se colla contre le mur décrépi, en haut de l’escalier plongé dans l’obscurité. Zacharie, enflammé par l’incessant débat avec Pallas, s’était montré à fleur de peau, le ton était vite monté, et elle s’était réfugiée, furieuse, dans une chambre à l’étage où elle s’était injectée un échantillon de poussière d’étoiles offert par Oreste, puis — elle avait pleuré. Au lieu de savourer cette ultime nuit en amoureux, Zacharie n’avait rien trouvé de mieux à faire que de la relancer sur sa haine des bourgeois, son besoin de vivre comme une petite femme du peuple : “C’est sûr, c’est en te comportant comme une domestique que tu vas corrompre l’empire de l’intérieur !” Le fiel entre les mots pointait le refus d’Alexia de postuler à une école d’officiers ; son amant ne comprenait pas qu’elle n’avait pas les qualités requises pour être officier, surtout une — une tare qu’elle dissimulait même à lui. Les pleurs passés, l’esprit clarifié, elle s’était résolue à prendre sur elle, jugeant stupide de se quitter sur une dispute, elle reconnaîtrait qu’il avait raison, qu’elle devait assumer ses opinions, qu’elle changerait, elle lui devait bien ça, ne serait-ce que pour se faire pardonner sa trahison à venir et qu’ils se séparent sur une impression optimiste, qu’il ne parte pas déçu, aigri, déprimé, démotivé, déconcentré, sous peine de défaillir sur le terrain, au contraire il aurait besoin du souvenir de cette nuit, d’une ligne de mire qui l’aiderait à rester en vie. Alexia s’était débarrassée avec satisfaction de l’uniforme verdâtre et ragoûtant de l’empire pour enfiler une tenue légère, hésitant à descendre toute nue, mais cela aurait été trop facile, la réconciliation devait se mériter, même si, au final, le sexe ferait tout passer, l’aigreur, les remords, la nostalgie. Elle avait mécaniquement pris son arme — le conditionnement de l’académie où tous les élèves devaient dormir avec une arme dès l’âge de dix ans — ne s’en rendant compte qu’une fois arrivée en haut des marches et qu’elle avait entendue distinctement Zacharie l’appeler : “C’est toi Alexia ?” Sauf que cela ne pouvait pas être elle, il ne pouvait pas l’avoir entendu depuis le petit salon. Puis, plus rien. À qui s’était-il adressé ? Quelle heure était-il ? Dans les ténèbres qui montaient vers elle, la nuit régnait sans se soucier de toute temporalité. Des dizaines de scénarios invraisemblables défilèrent dans sa tête, figurant des loups sanguinaires, des espions de la république et des succubes lascives ; la poussière d’étoiles tourbillonnait dans l’air, entraînant les ombres de l’escalier en une sarabande infernale. Alexia descendit pas à pas l’escalier en L jusqu’à l’angle intermédiaire, ignorant les griffures du bois sur ses pieds nus ; elle balaya du regard et de son arme la porte d’entrée face à elle, au bout du vestibule, et la porte menant au salon, à sa droite : les deux étaient entrouvertes, une nuée de lucioles allaient de l’une à l’autre. “L’initiative est réservée aux inconscients qui veulent mourir. Face à une menace inconnue, restez en position et attendez” — ils vivaient tous désormais avec des instructeurs fantômes logeant à l’intérieur de leurs crânes. La rebelle ne voulait pas mourir ; elle prit position, s’agenouillant dans l’ombre. Deux traînées (de sang) de lumière se croisaient en bas des marches, celle terne de la lune et celle orangée de la lampe tempête qu’ils avaient accrochée dans le salon. Les sens décuplés par la drogue d’Oreste, la rebelle attendait, visant alternativement les deux embrasures. Avait-elle imaginé la voix de Zacharie ? Elle attendit au moins dix (putains) de minutes (dix minutes pendant lesquelles son amant avait eu le temps de se vider de son sang). “La priorité n’est jamais de sauver des coéquipiers pris au piège ou blessés, la […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !