Eleuthère attendait dans l’ombre du monde. Les lieux silencieux bruissaient de secrets pour l’observateur. À observer ses camarades depuis des années, il savait que chacun d’entre eux dissimulait quelque secret inavouable ; il en avait percé quelques uns à jour, sans les ébruiter, sans s’en vanter, comme pour se les approprier — que des secrets des autres naquisse le sien. Malgré ses observations, certains de ses condisciples demeuraient opaques ; ce voile persistant l’effrayait, le retranchait davantage dans l’ombre. Quand l’horloge du hall avait donné le signal du coucher, à l’heure la plus noire de la nuit, les derniers veilleurs du groupe, sous le regard paternel de Pallas, s’étaient dispersés, qui avec un ami, qui avec son futur partenaire de chasse ; Eleuthère n’avait pas d’ami, ne recherchait aucune compagnie, tout au plus suivait-il parfois la traînée de lumière du meneur et de ses seconds (Hæmon, Damon et Oreste) — un psychologue militaire de l’académie lui avait dit que la trahison de son père expliquait ses difficultés à tisser des liens sociaux. Aussi, par une habitude immuable, il avait trouvé refuge auprès de ses amis les plus fidèles et les plus silencieux, animaux de métal désincarnés, transformant la cabine du perroquet bêta en dortoir de fortune. Eleuthère avait le sommeil léger, aussi, peu de temps après que Saturne soit ressorti de son expédition à la cave, les sens de l’observateur l’avertirent de la sortie de l’un de ses camarades, qui se faufilait par la porte arrière du lavoir : il le reconnut aussitôt, c’était l’un des opaques, l’un de ceux dont il se méfiait. Prenant soin de ne pas être suivi, la silhouette avait longé l’arrière du manoir, puis contourné la remise par le sud, disparaissant du champ de vision du pilote. Eleuthère sortit de sa cachette et, prudemment, contourna les dépendances par le nord : il arriva à temps pour distinguer une ombre se mêler à celles des arbres de la péninsule. Ignorant les lueurs qui palpitaient derrière les fenêtres brisées des habitations des domestiques, où Zacharie et sa protégée s’étaient retranchés pour une dernière nuit en amoureux, il franchit à son tour la barrière de la forêt, curieux, entre autres prétextes, d’apprendre un nouveau secret. Eleuthère était passé maître dans l’art de passer inaperçu — c’était à peine si les autres lui prêtaient attention — , aussi il se fondait sans mal dans les ombres projetées des arbres, laissant suffisamment […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !