Le sage émergea du lac, exposant son anatomie en toute transparence, avant de ramasser une serviette et de s’en couvrir. Solidement charpenté, d’une allure plutôt distinguée, Ovide était dépourvu d’un réel charme, défiguré par une vilaine cicatrice dont tout le monde ignorait l’origine. Il était en tout acte à l’écart du groupe, se conformant à une position d’observateur qui, contrairement à celle du grand Eleuthère, ne fonctionnait pas à vide mais lui permettait d’analyser, de décrypter, de déconstruire les masques qui ondulaient sur les visages de ses condisciples ; il s’imposait, et il imposait aux autres, une distance relationnelle, procédé qui lui avait conféré progressivement la position de l’intellectuel du groupe, celui qui arbitrait les divergences portant sur l’histoire politique, la technologie pré-impériale et l’hagiographie des armes de guerre — sa culture égalant celle d’Hæmon sans pour autant qu’il en fasse une marque de supériorité. Il n’était donc pas ostracisé, s’intéressant à chacun en toute sincérité, et sachant se montrer dans les moments opportuns un interlocuteur agréable ; il prenait également soin de ne s’immiscer dans aucun conflit viril puisant son origine dans des comportements de domination. Diplomate en tout point, il incarnait le juste milieu entre les deux tendances politisées du groupe : les post-aristos consanguins (Pallas et Roxane, Hæmon et Écho) qui critiquaient ouvertement la politique dictatoriale de l’empire et le déséquilibre social causé par l’abolition des classes, et les guerriers populistes (Athanase et Zacharie, Valentine et Callisto) fidèles aux préceptes de l’empire et à sa logique critiquable mais nécessaire de guerre lente. “Tu te fais du mal, Zoé”. Le sage avait pris place à côté de l’invertie sur un rocher en surplomb à l’écart des autres spectateurs. “Tu me l’as déjà dit.” Ovide suivit le regard noir et perçant, mais anxieux et agité, de son amie jusqu’au corps à moitié immergée d’Écho, de la belle Écho, objet de bien des désirs. Avec sa coupe asymétrique (ras derrière le crâne et en carré effilé sur le devant), son visage où convergeait la détermination brute de Valentine et […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !