De toutes les divinités oubliées du peuple de sa mère, c’était de Guanyin que le métis se souvenait le plus. Chaque soir, il récitait en silence le sutra de Guanyin, comme pour ne jamais laisser dépérir son souvenir. [Si un homme est jeté dans une fosse enflammée par un être cruel qui veut le détruire, qu’il se souvienne de Guanyin et le feu s’éteindra comme s’il était arrosé d’eau ; si un homme tombe dans l’océan redoutable, qui est la demeure des Nâgas, des monstres marins et des Asuras, qu’il se souvienne de Guanyin, la reine des habitants des mers, et les vagues le porteront à la surface. Si un homme est encerclé par une troupe d’ennemis, armés de leurs épées et ne songeant qu’à le détruire, qu’il se souvienne de Guanyin, et en un instant ses ennemis auront en sa faveur des pensées de bienveillance ; si un homme se retrouve entouré de reptiles d’un aspect terrible, lançant le poison par les yeux, et répandant autour d’eux un éclat semblable à la flamme, qu’il se souvienne de Guanyin, et ces animaux seront dépouillés de leur poison.] Mais la déesse de la compassion, à l’instar des autres divinités, n’écoutait plus les prières du peuple depuis longtemps. Occupé à entailler un rocher avec une lame de poche, Cassien ne vit ni n’entendit Damon et Hæmon lui tomber dessus. Cinq secondes plus tard, il était dans l’eau, ses protestations noyées par la poigne d’Athanase qui lui enfonçait la tête sous l’eau, le visage illuminé par un large sourire presque fraternelle : “Allez, bois ta soupe, ça te fera grandir !” Des éclats de rire ricochèrent sans fin tout autour de lui. “Mes vêtements… vous…” gémit-il, avant d’être coupé par Alexia, la jolie rouge qui, prenant appui sur les épaules du métis, effectua un saut périlleux au-dessus de sa tête : “Fais pas ta chochotte, Cass.” Elle fut suivie de son amant, Zacharie, puis tous se succédèrent : Orion, Damon, Écho, Kyra, Valentine, Oreste, Hermione, et enfin Hæmon, maître de cette sombre cérémonie où chacun sauta par-dessus la silhouette chétive du métis — étrange partie de saute-mouton où tous se jetaient sur lui drapés dans leur impériale nudité, et où lui, seul, lourd, glacé et immobile, leur faisait face, […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !