Cela faisait plus d’une demi-heure que les proies fuyaient à travers les bois secs et inhospitaliers de la péninsule ; même sous la semi-pénombre de la canopée, l’air chaud du solstice imprégnait, lourd et pesant, les tenues militaires des apprentis de l’académie livrés à eux-mêmes dans un ultime exercice. La sueur engluée sur le tissu, les battements saccadés de son cœur, le martèlement sanguin à ses tempes, Callisto courait, prisonnière d’un corps inadapté. L’autre corps, celui qui germait en elle, l’entravait, la tirant vers le bas — même si à ce stade l’embryon ne pesait qu’une centaine de grammes, elle avait l’impression de porter un boulet de fonte de plusieurs kilos, un boulet avide qui consumait ses dernières forces. Ils avaient été formés pour se battre contre des soldats de la république, aux tactiques et aux motivations éprouvées ; là, c’était leurs propres frères d’armes qui les pourchasseraient, rendus fous par l’aliénation militaire et leurs idéaux embourgeoisés de liberté et d’indépendance — ces mots idéalistes qui avaient conduit les générations passées dans les méandres d’une guerre sans fin. Autour d’elle, la forêt défilait, une forêt qu’elle ne trouvait ni bienveillante ni menaçante ; un vent brillant, d’un jaune aveuglant, descendait du ciel, secouant les branches basses qui manquaient fouetter la jeune femme ; le décorum changerait à la tombée de la nuit, les ombres s’agrandiraient, les couleurs s’atténueraient, ce serait le moment où leurs assaillants frapperaient. D’après Nausicaä qui les avaient repérés du ciel, les hameaux les plus proches se situaient à plus de dix heures de marche vers le sud ; au nord, la barrière montagneuse semblait un obstacle infranchissable. La direction importait peu ; la solitaire était convaincue que Pallas disposait d’un moyen de les retrouver — il ne les aurait pas libérés sans garantie. La pilote doutait que les perroquets aient réellement été sabotés ; mais […]