L’adulte n’approuvait pas cette baignade. Voir des adolescents se prenant pour des hommes s’ébattre dans l’eau avait un relent nauséabond, alors que partout ailleurs sur le continent des gens combattaient pour leur liberté. La jeunesse restait la jeunesse : attirée par le cadre paradisiaque inattendu de cette rivière cascadant à flancs de montagnes ; envoûtée par la végétation luxuriante et protectrice entourant le lac, refuge intimiste face à l’aridité et la canicule de l’autre versant ; ensorcelée par la transparence de l’eau, bien plus soyeuse que l’eau recyclée poisseuse de l’académie. Comme avait dit leur meneur, cela aurait été dommage de ne pas en profiter, de ne pas faire cette marche forcée d’une heure plein ouest pour un peu d’eau pure. Pour Saturne, tout cela transpirait l’imprudence, l’affirmation de soi, la méconnaissance de la loi fondamentale de l’univers : la mort n’attend pas d’être invitée, elle entre sans frapper. Toute cette opération était imprudente, il l’avait répété à Pallas, en vain : celui-ci, sous l’influence de son narrateur, tenait à son petit rituel et n’écoutait les conseils d’un vétéran boiteux que quand ils concernaient le déroulement opérationnel des événements. Si la république avait eu vent qu’une poignée d’élèves, dont certains de noble ascendance, s’étaient isolés ici, elle n’hésiterait pas une seconde avant d’envoyer une escouade les capturer — ou les tuer. La péninsule n’était plus protégée comme avant, elle n’était plus stratégique pour aucun des deux camps, tout juste bonne à être rayée de la carte pour économiser des convois de ravitaillement ; la liberté qu’en gagnaient en retour ses habitants avait un arrière-goût d’insécurité, celui que les laissés-pour-compte de tous temps connaissaient bien. Plus il y pensait, plus l’influence d’Hæmon sur Pallas […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !