Il nageait. Les rayons du solstice ruisselaient autour de lui. L’ombre du manoir n’avait pas encore entamé la turquoise de l’eau. Seule la statue du dieu Pan, divinité de la péninsule par excellence, barrait l’onde d’un trait sauvage. Rassemblés sous l’auvent, ses parents prenaient le thé avec leurs invités tandis que les enfants s’ébattaient dans l’eau du lac. Il ne savait pas alors, trop préoccupé par les jeux aquatiques et les corps virevoltant autour de lui, que les sujets de discussion des adultes n’avaient plus rien à voir avec ce qu’ils avaient été, le temps d’évoquer la politique locale et les aménagements urbains était dépassé ; le nord de la péninsule, bastion aristocratique jusque là largement épargnée par la guerre, avait été déclaré zone d’intérêt général par l’empire, ce qui en langage profane signifiait une réquisition généralisée et incontestable des terres au seul bénéfice de l’armée. L’une de ses cousines l’éclaboussa, riant comme une bécasse, tandis qu’une autre, plongeant sous la surface scintillante, essaya de l’entraîner avec lui sous l’eau ; il se laissa faire, tout comme il s’était laissé faire l’été dernier quand elle l’avait embrassé sur les lèvres dans la remise, puis qu’elle lui avait pris ses paumes pour en recouvrir ses mamelons naissants. Ce fut la dernière année où il put nager dans le lac ; la dernière où il vit ses cousines ; l’année suivante, il assistait, caché derrière un arbre, à la prise de possession de leur maison par des militaires ; quand il revint un an après, ce fut pour trouver une fosse putride et remplie de déchets en lieu et place du lac ; deux ans plus tard, l’armée avait abandonné les lieux et il lui en fallu trois de plus pour déloger les squatters et, avec l’aide […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !