Saturne mort, les accusations que lui avaient portées Athanase paraissaient encore plus puériles. Avec la mort du vétéran, c’était tout l’empire qui s’effondrait autour du mortel. Pendant des années, on leur avait enseigné les règles, la logique, l’art de la guerre ; Athanase prenait enfin conscience — trop tard — que la guerre n’obéissait à aucunes règles, aucune logique ; tout n’était que désordre et chaos. Alexia s’était réveillée, ne prononçant aucun mot, aucune excuse (se souvenait-elle de quoi que ce soit ?) ; elle avait contemplé longuement ses poings noués (y cherchait-elle le sang de celui qu’elle avait tué ?) ; Orion s’était contenté de lui rappeler qu’elle était aux arrêts et elle avait accepté en silence ce nouvel ordre des choses. À l’inverse de la rebelle, Athanase n’avait quasiment pas dormi de la nuit, retournant les événements dans tous les sens. Les mots du scorpion ne l’avaient pas quitté, ses allusions sur l’hypocrisie de l’empire, une opinion étonnante pour quelqu’un qui avait toujours vanté les mérites de la guerre ; à présent, Orion semblait rêver d’une armée de la péninsule se battant pour une cause noble, plutôt que d’une armée impériale se sacrifiant pour la gloire d’un gouvernement hégémonique fantoche. Quelle gloire, en effet, à mourir ici ? Les sermons de leurs instructeurs résonnèrent une dernière fois — “un état isolé n’a aucune chance de survivre ; seule l’union impériale est garante de l’avenir” — avant de s’effondrer en miettes. Le mortel croisa le regard du scorpion, soucieux. “Quelqu’un veut notre peau, lâcha le borgne. Ovide avait raison : il y a un traître parmi nous, un traître qui a sans doute des complices dans la forêt.” Athanase acquiesça. Le scorpion parut peser les prochains mots : “Écoute… Les gens vont commencer à se méfier les uns des autres. Il faut éviter cela entre nous. Tu me fais confiance ?” Nouvelle acquiescement. Ouais, Orion était fiable — Athanase avait douté de Saturne et celui-ci était mort, il ne commettrait pas deux fois la même erreur. De qui se méfier alors ? “Ne bougez pas !” Comme en réponse, Rhadamanthe apparut dans l’embrasure de la porte, les yeux rougeoyant, comme s’il s’était embrasé de l’intérieur, dirigeant le canon de son arme vers le mortel. “Pas un geste ! Je n’hésiterai pas à tirer. Je n’ai rien à perdre.” Les deux guerriers n’esquissèrent pas un mouvement, dans l’expectative ; par le trou béant de la fenêtre ils pouvaient entendre les murmures indistincts de leurs camarades […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !