Des loups-garous. Rhadamanthe détailla la photographie, rendue sépia par le passage du temps : une famille bourgeoise au grand complet, oncles, tantes, cousins, cousins germains — une dizaine de familles consanguines dont, au centre, les propriétaires du manoir, dans l’ignorance de leur sort, et, assis comme un prince sur les genoux de son paternel, un gamin blondinet qui prenait la pose. Un tel monde avait-il réellement existé ou était-il une invention de l’empire ? La guerre ne durait-elle pas depuis plus longtemps qu’on voulait bien le faire croire ? La photographie ne devait pas être si vieille — d’après le scorpion, la péninsule avait été épargnée aux premiers temps de la guerre, avant que les bombardements ne s’intensifient et que l’état martial ne mette en branle la grande réquisition. Le mystique fixait le personnage central de la photographie, le maître de maison, le loup alpha — une impression troublante l’envahit, celle d’être fixé en retour. Était-ce cet homme, ou ses descendants, qui hantaient encore les lieux, habités par une haine profonde contre l’envahisseur militaire qui avait réquisitionné leurs terres. Rhadamanthe jeta un œil sur le matelas où des ronflements tenaient les fantômes à distance : Oreste dormait, la gueule déformée (bleus, bosses, coquards, lèvres enflées). À côté de l’addict, Hæmon était assis torse nu ; Hermione finissait de bander son épaule après l’avoir badigeonné d’une de ses pommades artisanales. Dans un autre monde, la jeune femme aurait été druide, avec une faucille et une longue barbe blanche (Rhadamanthe avait lu une théorie comme quoi un groupuscule de druides celtes aurait survécu à l’invasion romaine et serait à […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !