On racontait beaucoup de choses au sujet de la disparition des étoiles. L’empire et la république se rejetaient la faute, accusant l’autre d’avoir pollué l’atmosphère ; les plus âgés, qui avaient connu, enfants, des nuits étoilées, ressassaient que le phénomène avait été progressif et datait de bien avant la guerre — à l’époque on accusait les lumières urbaines d’accaparer le ciel nocturne mais, quand la guerre avait réduit à néant les dernières réserves électriques, les étoiles n’étaient pas revenues pour autant ; les plus mystiques, comme Rhadamanthe, évoquaient l’intervention de races extra-terrestres ayant isolé la terre ; d’autres prétendaient que les étoiles n’avaient jamais existé. Nicétas se détourna des fenêtres et observa la mine dépitée de ses condisciples, réunis en une sombre cohorte dans le grand salon du manoir, fantômes silencieux comptant les morts, les vivants et les absents. Les gothiques s’étaient donnés pour credo d’observer le déclin de ce monde et de préparer l’avènement du prochain — la cruauté de cette position ne frappait Nicétas que maintenant, alors que le déclin touchait ses camarades, parmi lesquels il n’avait pourtant que peu lié d’amitiés. Il avait senti chez plusieurs d’entre eux une émotion réelle la veille de ce dernier week-end, face aux perspectives d’une séparation définitive ; lui était resté distant, prenant les gens et les événements comme ils venaient — il réalisait qu’il était finalement plus attaché à ce groupe qu’il ne le pensait et qu’il ne le prétendait. Alexia, qu’il avait aimait, comme un adolescent peut aimer, puis fui, comme un adulte peut fuir ; Zacharie, Athanase et Orion, dont la naïveté guerrière avait une sincérité touchante ; Zoé et sa peur du sang ; Rhadamanthe et sa folie des conspirations (il avait harcelé Nicétas au sujet de dizaines de complots gothiques tous aussi farfelus les uns que les autres) ; Silas, Callisto et Hateya, ses compagnons de silence et de […]

Oh, mais, pourquoi couper ? Pourquoi si peu ? Pourquoi se contenter d'un avant-goût, hein, pourquoi ? Abonnez-vous et recevez à la carte les fragments de ce texte !